Deuxième semaine de chroniques du confinement. Après la sidération et les prises de marque de la 1ère semaine, nous rentrons « dans un rythme de croisière ». La pression de la crise monte. Et elle pose de terribles problèmes : c’est le dilemme entre santé et économie dans le secteur du bâtiment et la tragique pénurie de masques qui dure, séquelle de « l’affaire Bachelot ». Nous y consacrons deux chroniques. Ensuite, dans ce paysage noir, un pays semble avoir trouvé les solutions : la Corée du Sud. Nous revenons sur ce « miracle coréen ». Enfin pour rester léger, Étonnante Époque vous propose une leçon de grammaire décalée.
REDÉCOUVREZ la 1ère semaine des chroniques du confinement
Chroniques du confinement JOUR 6 : arrêter ou continuer les chantiers,
tensions dans le bâtiment
Passe d’armes d’une inhabituelle violence hier entre la ministre du travail Muriel Pénicaud et les fédérations du bâtiment (FFB & CAPEB).
Mercredi 18 mars, la CAPEB (syndicat patronal représentant l’artisanat du bâtiment) publiait un communiqué de presse demandant « de décréter l’arrêt temporaire des chantiers de bâtiment, à l’exception des travaux urgents et des dépannages, le temps que l’on puisse définir plus précisément les quelques chantiers qui pourront, sous réserve de l’accord des donneurs d’ordre, se poursuivre et surtout dans quelles conditions pour protéger la santé des travailleurs et des clients, tout en préservant la responsabilité des chefs d’entreprise ».
La réaction cinglante jeudi 19 mars de Muriel Penicaud sur LCI a mis le feu au poudre : « je suis scandalisée de voir que la CAPEB a écrit à tous les artisans de la région Auvergne Rhône Alpes en leur disant d’arrêter tous les chantiers. Quand un syndicat patronal dit aux entreprises, aux artisans d’arrêter d’aller bosser, ça c’est du défaitisme ». Jacques Chanut président de la FFB a qualifié les propos de la ministre de « scandaleux ». Il parle de « mépris » et de « déloyauté ».
Difficile de ne pas donner raison aux entreprises du bâtiment quand on connaît la vie sur les chantiers. Dans la plupart des cas, une construction n’est pas à court terme une activité « essentielle à la nation ». Garder les chantiers ouverts relève de l’injonction paradoxale à un moment du confinement où on verbalise les coureurs de jogging.
Derrière cette querelle, commencent à poindre les énormes conséquences économiques de la crise. Un arrêt complet du secteur du bâtiment, ça serait près de 2 millions de salariés au chômage technique soit 10% de la population active française, un impact économique majeur et un coût faramineux pour l’Etat. On voit là l’étroitesse de la ligne de crête entre la priorité sanitaire et l’effondrement économique. Et ça n’est que le début.
En attendant les distributeurs de matériaux ont décidé de rouvrir partiellement leurs points de ventes. Les discussions avec le gouvernement ont repris en vue d’un accord sur le chômage partiel dans le secteur.
Chroniques du confinement JOUR 8 : coronavirus le « miracle coréen »
Dans le concert de mauvaises nouvelles sur la progression de la maladie, un pays fait figure d’exception et donne de l’espoir au monde entier : la Corée du Sud. Ce pays d’Asie qui était au sortir de la guerre l’un des pays les plus pauvres de la planète n’en finit pas de surprendre : du géant des télécoms Samsung au succès planétaire de la K-pop en passant par la palme d’or à Cannes pour Parasite. Il semble aujourd’hui être le seul pays à monde à avoir réussi à enrayer l’épidémie sans confiner sa population (seules les écoles ont été fermées). Le pays avait pourtant été l’un des premiers à être touché en raison de sa relative proximité géographique avec la Chine.
La recette de ce « miracle coréen » : discipline, port du masque et surtout une politique de dépistage massif. La Corée a en effet installé de multiples centres de tests dans tout le pays : cabines de tests dans les rues, drive-in sur les autoroutes.. Au 20 mars, plus de 300.000 personnes ont été testées depuis le début de l’épidémie contre 35.000 en France.
Dès qu’une personne est suspectée d’être malade, elle est mise quarantaine et testée. Ensuite si le test se révèle positif, les autorités sanitaires vont essayer d’identifier grâce aux moyens technologiques (vidéo-surveillance, traçage téléphonique) l’ensemble des personnes avec qui le malade a été en contact et les tester systématiquement. Cette politique permet de mettre en oeuvre un confinement ciblé beaucoup plus efficace avec moins d’impact sur l’économie.
Cette réactivité ne tient rien au hasard. La Corée avait été traumatisée par 2 épisodes épidémiques : le SRAS en 2003 et surtout le MERS-Cov en 2015. L’état coréen était donc massivement préparé et ainsi ordonné dès les premiers jours de l’épidémie la production massive de tests. L’efficacité est née des erreurs du passé. Une leçon coréenne à méditer!!!
Chroniques du confinement JOUR 9 : la leçon de grammaire, petit quizz pour commencer la semaine
La chronique du jour sera légère, un sourire dans cette ambiance pesante. La professeur de français de ma fille aînée au lycée a décidé de profiter du confinement pour faire rattraper à ses élèves les années d’enseignement de grammaire à l’ancienne qu’ils n’ont pas eu. Elle a donc eu une idée étonnante : demander à ses élèves de réaliser l’analyse logique grammaticale de strophes de poèmes particulièrement alambiquées.
- Commençons donc doucement. « Le nain regarde d’un air triste/ grandir l’arlequin trismégiste » (Guillaume Apollinaire). Le COD (complément d’objet direct) est-il :
- l’arlequin trismégiste
- grandir l’arlequin trismégiste
- trismégiste, trismégiste est-ce que j’ai une gueule d’arlequin trismégiste ?
- Enchaînons. « Les vents de l’Océan en soufflant leurs menaces /Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés » (Guillaume Apollinaire). Comment appelle-t-on la forme grammaticale « en soufflant »
- le gérondif
- le génitif
- le ilpoussemestif (cas grammatical rare rencontré uniquement en période de confinement)
- Enfin pour terminer. « La voyageuse qui traversa les Halles à la tombée de l’été /Marchait sur la pointe des pieds » (André Breton). Quelle est la fonction grammaticale du groupe nominal « sur la pointe des pieds »
- un complément d’objet indirect (COI)
- un complément circonstanciel de moyen
- il est interdit en raison du confinement de traverser les Halles à pied sans motif
Cette séance de grammaire m’a au final plutôt amusé avec un goût de petite madeleine. J’ai rapidement quand même rapidement redécouvert pourquoi les enfants disent « la grammaire c’est relou ». Quel petit plaisir de déterrer des expressions oubliées comme « gérondif » ou « proposition subordonnée relative ». Et puis le Bescherelle existe toujours. Il a même réalisé sa transformation digitale avec un magnifique site Internet Bescherelle.com et 126.000 followers sur Facebook.
Merci à Anne Cécile Calléjon pour cette illustration et comme elle l’ajoutait dans un commentaire « il faut toujours avoir des profs sous le coude ! »
Chroniques du confinement JOUR 11 : la revanche de Roselyne Bachelot ou de la bonne application du principe de précaution
Elle arpente fièrement les plateaux de télé depuis une semaine. Roselyne Bachelot l’ancienne ministre de la santé est sollicitée de toute part par les médias en raison de son expérience et de sa gouaille renommée. Après des années passées dans les émissions de divertissement, elle est redevenue une experte de santé recherchée.
N’est-ce pas elle qui avait eu à gérer la dernière crise épidémique la grippe H1N1. A l’époque, Roselyne Bachelot commande 94 millions de doses de vaccin pour prévenir ce qui ne s’avérera être qu’une « grippette ». Les critiques pleuvent alors sur la ministre accusée d’être à la solde des laboratoires pharmaceutiques. La polémique est terrible et la ministre clouée au piloris dans les médias et moquée pendant plus de 10 ans.
Les conséquences de cette polémique sont tragiques. C’est le début de la terrible méfiance française pour les vaccins dont nous sommes tristement champions du monde. Ainsi 35% des français déclaraient en 2019 dans un sondage Gallup pour l’OMS que les vaccins sont pas sûrs. Et puis il y a les masques : à l’époque, le stock de masques s’élève à près d’1 milliard de masques en France. La commission des affaires sociales interpelle lourdement la Ministre sur l’inutilité du stock de masques que les collectivités locales ont du constituer. Des images qui donnent aujourd’hui froid dans le dos quand on sait ce qu’il adviendra de ce stock.
Cette affaire Bachelot explique en partie pourquoi nous n’étions pas prêts pour affronter la pandémie. Quel gouvernement aurait pris le risque politique de constituer des stocks massifs de gel hydroalcoolique, de masques ou de capacité de tests? Elle nous rappelle que s’il y a bien un domaine dans lequel le principe de précaution (pourtant constitutionnel) doit s’appliquer scrupuleusement, ce sont les épidémies.
LA SUITE dans les chroniques du confinement lié au coronavirus de la semaine 3
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