2018 à la une des journaux : l’Union européenne souhaite abolir le changement d’heure. Chaque état devra choisir s’il reste toute l’année à l’heure d’hiver ou à l’heure d’été. Adieu le rituel deux fois par an du réglage des montres et horloges. Adieu le marronnier médiatique du débat sur les conséquences terribles sur notre rythme de sommeil et la sécurité routière. Bousculé dans mes petites habitudes, cette annonce me met de mauvaise humeur. De quoi la commission europénne se mêle-t-elle? Les technocrates bruxellois « pondeurs de normes » se sont attaqués à l’ultime norme : ils vont changer la règle du temps. En me renseignant pour cet article, je découvre que sur ce sujet, l’Union Européenne a pour une fois associé les citoyens européens. Pourtant un an plus tard, rien n’a bougé. Il y aura encore un changement d’heure en 2020 et sans doute en 2021.
Changement d’heure : l’Union Européenne s’empare du sujet
Je vous le disais, ma réaction initiale fut l’agacement : je croyais que notre Président était « le maître des horloges ». J’entendais déjà les nationalistes de tout genre dénoncer une nouvelle atteinte à notre souveraineté et déclencher un débat stérile. Et puis dans le même temps, l’Europe se déchire sur les sujets d’immigration, les populistes sont au pouvoir en Italie , les néo-nazis sont dans la rue en Allemagne. L’ Airbus de l’intelligence artificielle ne semble pas prêt de naître pendant que les GAFA et leurs équivalents chinois BATX avancent à grands pas sur les technologies de demain. Ce sujet me paraissait donc symptomatique des errements de la construction européenne. Pourtant si précieuse, elle s’est progressivement coupée des peuples et est souvent absente des grands enjeux stratégiques de notre monde.
Une mesure aujourd’hui inefficace en termes d’économies d’énergie
Mais revenons au changement d’heure. L’idée est née pendant la 1ère guerre mondiale pour faire des économies de charbon. Après une interruption entre 1945 et 1976, elle revient au moment du 1er choc pétrolier, toujours avec l’objectif de faire des économies d’énergie. Drôle d’idée de faire machine arrière à un moment où le réchauffement climatique rend encore plus indispensable l’efficacité énergétique : l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas.
En fait la mesure est peu efficace. Elle permet certes de faire des économies d’énergie mais celles-ci demeurent marginales comme l’expliquent clairement des études récurrentes menées par l’ADEME. L’amélioration de la performance énergétique des technologies d’éclairage dans les logements a rendu les gains de plus en plus faibles chaque année. L’annonce de l’arrêt du changement d’heure coïncide d’ailleurs avec la fin de la commercialisation des ampoules halogènes définitivement remplacées par les LED.
Se posait dès lors la question de la pertinence de cette mesure contestée par une partie de l’opinion publique. Personnellement, je n’ai jamais vraiment ressenti de véritable gêne avec le changement d’heure. Après quelques jours, c’est une affaire oubliée. L’heure d’été est appréciable pour les longues soirées qu’elle permet pendant les mois estivaux. Mais une grande majorité des français considère ce changement comme pénible avec des impacts notamment sur leur sommeil et leur santé même si aucune étude scientifique ne vient corroborer ce sentiment.
Le succès de la consultation européenne sur le changement d’heure
L’Union Européenne s’est donc saisie du sujet. A l’initiative de Jean-Claude Juncker, elle a pour cela organisé une consultation publique sous forme d’un questionnaire à remplir sur Internet entre début juillet et mi-août ouvert à tous les citoyens européens. Score impressionnant : quelques 4.6 millions d’Européens ont répondu à ce questionnaire (notamment 4% des allemands). Résultat sans appel : plus de 80% des internautes se sont déclarés favorables à la suppression du changement d’heure. On peut certes objecter que ce « référendum » en ligne a sans doute plus mobilisé les opposants que la masse des indifférents. Mais l’engouement suscité par ce questionnaire lui donne un indiscutable légitimité démocratique. On est donc loin d’une décision prise par des eurocrates éloignés du terrain dans leurs bureaux bruxellois.
Je vous parlais d’une construction européenne qui s’est coupée des peuples. Le succès de cette consultation publique offre de nouvelles perspectives pour les autorités européennes pour un dialogue direct avec les peuples transcendant les frontières. On pourra certes arguer qu’il s’agit d’un sujet relativement secondaire. On imagine difficilement une consultation sur des sujets plus sensibles comme celui des migrants. Je préfère voir le verre à moitié plein d’une mobilisation populaire réussie par la Commission sur un sujet qui préoccupe les citoyens. C’est ce qu’on appelle faire de la politique.
Un an après rien n’a bougé : un changement d’heure encore prévu en 2020 & 2021
Le sujet semblait donc sur les rails. L’enterrement du changement d’heure était programmé. Le parlement européen a d’ailleurs voté le 26 mars un texte en ce sens. Pourtant le sujet semble s’enliser depuis des mois. Si le consensus est large sur l’arrêt du changement d’heure, il reste à décider si nous resterons définitivement à l’heure d’hiver ou à l’heure d’été.
Sur cette question ô combien stratégique, les états sont divisés. Il y a les partisans de l’heure d’été comme la France, la Pologne ou encore le Portugal et les partisans de l’heure d’hiver comme la Finlande, le Danemark ou les Pays Bas. Alors me direz-vous, pourquoi chaque état ne choisit-il pas? Tout simplement pour éviter un énorme bazar complexe quand on voyage à l’intérieur de l’Union Européenne. Pour ne rien arranger, les Anglais eux ont décidé de garder le système du changement d’heure. Conséquence inattendue du Brexit, Irlande du Nord et Irlande du Sud ne vivront donc sans doute plus toute l’année à la même heure.
On le voit le sujet tourne vite au casse tête et illustre malheureusement bien pourquoi il est si difficile de faire avancer l’Europe. Aux dernières nouvelles, les états membre ont jusqu’à avril 2020 pour se concerter et arrêter une position. Cette date butoir devrait permettre que le dernier changement d’heure ait lieu en mars 2021 si nous restons à l’heure d’été ou en octobre 2021 si nous restons à l’heure d’hiver. Affaire à suivre.
Mise à jour du 01/04/2019 : mauvais poisson d’avril des technocrates bruxellois
Entendu dans l’émission Mediapolis sur Europe 1 : les fonctionnaires européens du bureau athénien de la Commission ont eu un étonnante idée pour sensibiliser les Grecs aux fake news. Ils ont lancé le poisson d’avril suivant : « les grecs auront à payer €17,650 à Bruxelles pour chaque heure qui se passe tant qu’ils n’auront pas accepté de revenir à l’heure d’hiver ». Humour douteux des Eurocrates. Inefficacité garantie dans la lutte contre les fake news. Caricature de la maladresse des technocrates.
Bien d’accord !
Le sujet ne me parait pas fondamental mais le processus est porteur d’Espoir pour l’Europe