Après le beurre et le Nutella, continuons notre petit déjeuner. Je vous emmène dans l’univers impitoyable du lait. Ici le prix de la brique de lait se joue au centime. Pas question pour un hypermarché d’être quelques centimes plus chers que son concurrent sur un tel produit d’appel. Le cours de la brique de lait en marque de distributeur s’établit donc aux alentours de 0.80€. La redoutable mécanique de la concurrence se met en route. Objectif : gratter du centime. Schématiquement, le distributeur met une pression d’enfer sur le transformateur de lait qui met lui-même une pression d’enfer sur l’éleveur. Mais un nouvel acteur « c’est qui le patron » pourrait changer la donne.
L’ELEVAGE, LE LAIT : UNE FILIÈRE EN CRISE
Quelques centimes, c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi éleveur ça veut dire beaucoup. « Quelques centimes, c’est peut-être un détail pour toi bourgeois parisien mais dans la lutte contre la vie chère, ça veut dire beaucoup pour les Français » lui rétorque Michel Edouard. Les années passent, les hommes politiques tripotent le cul des vaches au salon de l’agriculture, regardent les poules et le malaise des éleveurs s’accroît et rien ne semble pouvoir briser cette malédiction du centime. Cela se traduit par une chute régulière du revenu des éleveurs et une concentration continue du nombre d’exploitations : plus de 150.000 exploitations en 1995, moins de 70.000 aujourd’hui.
Et puis dans mon Monoprix préféré, je tombe l’autre jour par hasard sur la brique de lait « C’est qui le patron » qui se vend au luxueux prix de 0.99€/ litre et fait une promesse originale : juste rémunération au producteur. Intrigué par cette promesse et ayant le privilège de pouvoir m’offrir les 0.20€ de plus-value pour une brique de lait, j’achète ce produit et je file sur Internet, méfiant.
LE LAIT C’EST QUI LE PATRON, UNE DÉMARCHE NOVATRICE
Je découvre alors la démarche originale initiée par Nicolas Chabanne, créateur de la marque « C’est qui le patron ». Un panel de 5000 internautes a déterminé le cahier des charges de la brique de lait. On part d’un lait basique à 0.80€ et on choisit ses attributs : absence d’OGM +X centimes, bêtes élevées en pâturages : +Y centimes, revenu décent pour l’éleveur : +Z centimes, congés pour l’éleveur… donnant naissance au lait « C’est qui le patron ». Le site Internet détaille les étapes de fabrication de ce lait. Passionnant !!!
https://lamarqueduconsommateur.com/produits/lait/
La démarche est tellement géniale qu’elle cartonne. Finalement, il n’y a pas que les bourgeois parisiens qui sont prêts à payer 20 centimes de plus. Plus de 30 millions de litres de lait vendus en un an, le produit est désormais présent sur les étagères de tous les distributeurs. Beurre, pizza, jus de pomme, barquette de fraises, steaks hachés… une gamme complète se décline dans les rayons.
Mais la culture du centime a la vie dure et l’économie de marché de formidables ressorts. Intermarché lance son propre lait appelé de manière originale « Merci » à 0.88€, s’engageant sur une rémunération supérieure de l’éleveur. « Merci le patron » songe déjà à baisser son prix. Souhaitons que l’éleveur ne finisse pas par en pâtir. À suivre…
Mise à jour du 10 mars 2018 :
Le lait C’est qui le patron a été la star du salon de l’agriculture. Ses ventes explosent, se rapprochant désormais du million de litres vendu chaque semaine…. Souhaitons le même succès au reste de la gamme. La marque va également devenir un label qui sera apposé à certains produits comme les yaourts Carrefour ou les jus de pommes Cidou.
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