Insomniaque, vous êtes en train de lire en pleine nuit dans votre lit un article d’Étonnante Époque dans l’attente de retomber dans les bras de Morphée. La tech, la Silicon Valley et ses start-ups prenaient jusqu’à présent en charge exclusivement vos journées. Bonne nouvelle : elles vont aussi de vos nuits pour vous aider à trouver un sommeil réparateur. La sleep tech est en plein essor. Le marché potentiel est énorme, près d’1 Français sur 3 est concerné par un trouble du sommeil. On parle d’un marché à venir de près de 80 milliards de dollars. De quoi aiguiser les appétits. Bandeaux, masques, bagues ou oreillers connectés, applications sur smartphones, les entrepreneurs de la sleep tech ne manquent pas « d’idées à dormir debout » pour nous emmener au pays des rêves et améliorer vos cycles de sommeil. Alors ces « marchands de sommeil » charlatans ou génies?
La technologie et les écrans sont les meilleurs amis de nos insomnies
Les Français dorment de moins en moins. En moyenne, nos nuits ont raccourci d’une 1h30 en cinquante ans. Les Français vont se coucher de plus en plus tard. Pour la première fois dans le baromètre publié cette année par Santé Publique France, le temps moyen incluant les jours de repos est passé en dessous de 7 heures de sommeil par nuit : 6h34 en moyenne pendant la semaine, 7h12 pendant le week-end.
Les nouvelles technologies ne sont pas étrangères à nos nuits toujours plus courtes. Il est prouvé scientifiquement que la lumière bleue de nos écrans de smartphone et tablette est un tueur de mélatonine l’hormone du sommeil. Le « precious » smartphone dort avec près de 20% Français. Les SMS vont régulièrement les réveiller la nuit. Et dans ces cas là, nombreux sont ceux qui succombent à la tentation d’y répondre immédiatement. Il y a un paradoxe à voir la technologie venir au secours de nos nuits, un petit côté pompier pyromane.
Au déficit budgétaire français, nous devons donc ajouter collectivement un lourd déficit de sommeil. Pour lutter contre fatigue et manque de sommeil, la France est la championne européenne de la consommation de somnifères (plus de 100 millions de boîtes de benzodiazépines consommées chaque année). La sleep tech propose des objets connectés alternative douce à ces médicaments. Intéressons-nous y de plus près.
Les sleep tech comment ça marche?
Dreaminnz, Dreem, Urgotech, Oura, Philips Smartsleep, Nordick Track… toutes ces entreprises proposent des objets connectés permettant d’améliorer notre sommeil. Rapide tour dans un « magasin » de sleep tech. Vous y trouverez pour 199€ Hypnos le masque d’hypnose connecté de Dreaminnz. L’hypnose ne vous plaît guère. Optez donc pour le bandeau connecté de Dreem à 399€ qui analyse votre sommeil et le stimule grâce à des sons favorables. L’anneau des finlandais de Oura (entre 314€ et 419€) bardé de capteurs mesure lui votre activité de jour comme de nuit. Et elle « vous dit comment a été votre nuit et comment vous pourriez mieux dormir ». Enfin les matelas de l’américain Nordick Track (entre 399€ et 949€) s’adaptent à vos mouvements et programment votre réveil uniquement dans la partie la plus légère de votre cycle.
Avez-vous essayé l’un de ces objets? Quel est votre retour d’expérience? Comment ça a marché ou pas pour vous?
Des sleep trackers collecteur de datas sur votre sommeil
Vous le voyez l’offre est pléthorique et la sleep tech ne manque pas de créativité. Si chaque objet a ses spécificités, la plupart utilisent des systèmes de « sleep tracker ». Ils mesurent tout un tas de paramètres : fréquence cardiaque, respiration, mouvements nocturnes, ronflements, temps d’endormissement mais aussi environnement extérieur : température, qualité de l’air, luminosité. Ils permettent ainsi de décortiquer vos nuits. Vous pourrez ainsi évaluer la qualité de votre sommeil en fonction de la durée des différents cycles qui le composent. Le sleep tracker connecté à une application sur votre smartphone vous proposera ainsi au petit matin un tableau de bord complet avec de jolis graphes, des indicateurs et des recommandations auquel les tableaux de bord de reporting commercial n’ont pas grand chose à envier.
Et puis dernière bonne nouvelle, le Whitings track pad que vous glissez sous votre matelas est aussi compatible avec Amazon Alexa. Il pourra donc impacter le système domotique de votre maison. Et surtout, il pourra communiquer toutes les datas relatives à votre sommeil à Amazon. Sans nul doute, Amazon saura alors vous proposer des offres commerciales adaptées à vos rêves les plus fous.
Sleep tech et culte de la performance
Si on me dit sommeil, je pense immédiatement bien-être, repos, plaisir d’une bonne nuit, d’une bonne sieste, plaisir de ne rien faire. Je pensais retrouver ce discours dans les vidéos publicitaires des entreprises de sleep tech. A ma grande surprise, il n’en est rien. Le plaisir voluptueux des rêveries nocturnes n’est pas leur créneau. Au contraire, ce sont bien les termes efficacité et performance qui reviennent le plus souvent dans leurs communications. La sleep tech vous promet une plus grande efficacité de votre sommeil la nuit pour être plus performant le jour. Le visuel publicitaire ci-dessus est particulièrement éloquent. « Even heroes need sleep. » nous dit Oura.
Il est d’ailleurs remarquable que les leaders du marché du sleep tracker comme la société Fitbit sont pour l’essentiel les mêmes sociétés que celles qui proposent bracelets et autres objets connectés aux runners technophiles toujours en quête de performance décrits dans un précédent article. Suite au rachat de Fitbit par Google, on peut s’attendre à une accélération de la recherche et de l’innovation dans le domaine.
Avec la sleep tech, la nuit devient enfin comme tout le reste de votre vie un moment où vous pouvez optimiser votre performance personnelle. Comme si cette recherche permanente de la performance n’était pas souvent la source d’insomnie!!!
Véritablement efficace pour mieux dormir?
Je m’imagine d’ailleurs déjà potentiellement faire des insomnies de crainte que le taux d’efficacité de mon sommeil mesuré par mon appli de sleep tech ne se dégrade. Une crainte partagée par la chercheuse canadienne Julie Carrier, chercheuse au Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur : « de voir les petits graphiques, et les courbes qui montrent qu’on a bien dormi suite à une bonne nuit de sommeil, ça pourrait avoir un effet placebo… mais cela pourrait aussi créer une préoccupation excessive sur le sommeil. Chez des individus qui souffrent de troubles du sommeil, ou qui ont des difficultés à s’endormir, le fait de mesurer le sommeil pourrait devenir une source de stress supplémentaire ».
Je préfère néanmoins terminer par une note optimiste. Une chose est sûre, la sleep tech apporte des solutions douces pour mieux dormir. Elle n’est pas nocive pour la santé comme l’emploi massif de somnifères fait par les Français. Si elle permet d’aider des insomniaques à mieux dormir, on ne peut que s’en réjouir. Si d’autres ont envie de transformer leurs nuits en un terrain d’entraînement pour être plus fort le jour, tant mieux pour eux. Mais ils risquent d’être déçus. La véritable efficacité des sleep tech au-delà de l’effet Placebo reste à prouver. Il y a un côté un peu ésotérique dans ces objets comme la bague Oura ou le masque Hypnos. Ils me rappellent anneaux magiques et amulettes d’antan. La sleep tech : inoffensive pour votre santé, peut-être bénéfique pour votre sommeil, excellente pour la santé financière des start-up moins pour votre portefeuille.