New York la ville qui voulait devenir verte (part 2 : green building, bâtiment vert)

70% des émissions de gaz à effet de serre émis par la Big Apple proviennent des bâtiments. Nous l’indiquions dans la 1ère partie de cet article. Pour devenir une ville plus verte et plus écologique, la ville ne pouvait se limiter à planter des arbres et créer des promenades vertes comme la High Line. New York devait s’attaquer au sujet du « green building », du bâtiment vert durable. Depuis 15 ans, elle n’est pas restée inactive; promotion active du label environnemental LEED, objectifs chiffrés de réduction des émissions de CO2, rénovation énergétique de l’emblématique Empire State Building et dernier en date la création du gigantesque éco-quartier de Hudson Yards. Mais le chemin vers la performance énergétique et environnementale des bâtiments est encore long. Il passe par la nécessaire rénovation des gratte-ciel fortement consommateurs d’énergie des années 70-80 dont… la fameuse Trump Tower.

New York ville pionnière de la réglementation sur le bâtiment vert : de la promotion du LEED au green new deal de 2019

Un Green New Deal ambitieux adopté en 2019

22 avril 2019, le conseil municipal de New York adopte son « green new deal » dans le cadre de son plan stratégique OneNYC 2050. Et il est ambitieux. Il exige notamment des propriétaires de bâtiments de plus de 2.500 m2 d’engager des travaux de rénovation thermique (isolation, changement des vitrages, énergies renouvelables…). Il fixe pour ces bâtiments un objectif de réduction de 40% des émissions de CO2 d’ici 2030. Ce texte est passé malgré un lobbying farouche des promoteurs de la ville. Ce Green New Deal est la dernière d’une série de réglementations s’inscrivant dans une politique de long terme en faveur de l’efficacité énergétique des bâtiments.

La local Law 86, le début de la marche vers New York ville verte

Tout avait commencé en 2005. Sous l’impulsion du maire Michael Bloomberg dans le cadre de son programme PlaNYC, la ville de New York adopte la Local Law 86 (LL86) l’une des premières lois aux États Unis en matière de bâtiment vert. Cette loi prévoit que tous les projets de construction recevant des fonds de la ville doivent être construits suivant les standards du label de construction verte LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) développé par le USGBC (US Green Building Council). Elle sera notamment suivie en 2009 par les Local Law 84 & 87 obligeant les propriétaires de buildings à communiquer annuellement aux autorités leurs données en termes de consommation d’énergie et d’eau.

L’essor du label LEED

Cette loi LL86 contribuera à l’essor fantastique du label environnemental LEED. Le label qui attribue des points à un bâtiment en fonction de ses caractéristiques est aujourd’hui devenu la référence aux États Unis en matière de construction durable et s’exporte dans le monde entier. Plus qu’un symbole, le One World Trade Center, la plus haute tour de New York « remplaçante » des Twin Towers terminée en 2014, obtient en 2016 la certification LEED au niveau gold. C’est une première pour un bâtiment de cette envergure.

Mais la ville du gigantisme ne pouvait s’arrêter là. Au moment où les écoquartiers poussent dans le monde entier, New York la ville verte avait besoin d’un projet à sa mesure. Ce sera Hudson Yards.

 

L’éco-quartier de Hudson Yards New York : bâtiment vert et billets verts

15 mars 2019 : New York inaugure en grande pompe le Vessel à l’extrémité nord de la High Line. Cette inauguration marque le lancement officiel de la tranche 1 de Hudson Yards. Il fallait un emblème à la « hauteur » de cet incroyable projet d’éco-quartier. Ça sera le Vessel : un extraordinaire escalier à spirales haut de 45 mètres, au design futuriste, constitué de 154 escaliers interconnectés, œuvre du Britannique Thomas Heatherwick

Le Vessel Hudson Yards

La plus grosse opération immobilière privée aux États Unis

L’éco-quartier d’Hudson Yards est en effet la plus grande opération de promotion privée en cours aux États Unis. C’est aussi la plus ambitieuse depuis le Rockefeller Center : un investissement de 25 milliards de dollars. La tranche 1 comprend 1.2 millions de m2 et 6 gigantesques nouvelles tours. Tous les bâtiments du complexe seront bien entendu certifiés LEED au niveau gold ou platinum. Lobjectif affiché est une réduction de la consommation d’énergie de 30% par rapport à une construction classique.

Skyline de Hudson Yards

Hudson Yards, un projet controversé

Je trouvais cet objectif relativement peu ambitieux pour un éco-quartier aussi emblématique. On n’y a pas vraiment renoncé à l’hyper-climatisation… D’ailleurs le projet fait polémique. Son côté vert serait pour ses détracteurs plutôt à rechercher du côté du billet vert que de l’écologie : ticket d’entrée pour un appartement 3.9 Millions$ et prix moyen de 45.000$ /m2.

Les critiques fusent notamment dans les colonnes du New York Times. Hudson Yards ne supporterait pas la comparaison avec le Rockefeller Center. Les opposants au projet lui reprochent d’être un quartier réservé aux super-riches déconnectés du reste de la ville, une sorte de ghetto pour les puissants.

Mais les faits sont têtus. Les luxueux appartements se vendent comme des petits pains. Et le Vessel ne désemplit pas de visiteurs. Hudson Yards est devenue « the place to be in NYC ». J’ai trouvé croustillant cet article du New York Post qui se moque des grincheux. Il cite des journalistes des années 30 « they all laughed at Rockefeller Center/now they’re fighting to get in…. » Le chroniqueur conclut ensuite « with people already fighting to scale The Vessel, Hudson Yards has proved itself a hit in just four days. »

 

New York bâtiment vert : l’enjeu de la rénovation énergétique  des vieilles tours

Revenons maintenant aux objectifs ambitieux fixés par le Green New Deal. Construire des bâtiments neufs plus durables ne sera pas suffisant pour l’atteindre. L’enjeu principal (comme en France d’ailleurs) est la rénovation énergétique des bâtiments anciens.

Une rénovation modèle : l’Empire State Building

La rénovation complète de l’Empire State Building pour 550M$ en 2009 sert de ce point de vue d’exemple gagnant. Changement de plus de 6500 fenêtres, isolation renforcée derrière les radiateurs, changement de 68 ascenseurs, nouveau système de contrôle du bâtiment, passage à un éclairage en LED…. Résultat une baisse de  la consommation d’énergie de 40%. Et surtout, dans la ville de la finance, un retour sur investissement en 4 ans.

Le cas de l’Empire State Building sert d’exemple positif. Mais il était plutôt favorable du fait de la nature de la façade du bâtiment. Il ne peut pas se transposer intégralement aux tours en verre construites dans les années 70-80. Construits avant la généralisation des vitrages bas émissifs, les fameux vitrages low-E, ces bâtiments sont les plus énergivores. Il faudra bien les rénover. Mais cela s’annonce plus coûteux.

Au tour de la Trump Tower?

Ironie de l’histoire, 8 bâtiments du Groupe Trump à New York comptent parmi les pollueurs dont la célèbre Trump Tower sur la 5th avenue. Le maire de New York Bill de Blasio en campagne pour les primaires démocrates de 2020 ne pouvait laisser passer une telle aubaine. Il a ainsi menacé le groupe Trump d’une amende annuelle de 2.1M$ par an à compter de 2030 s’il ne réalise les travaux de rénovation énergétique de ses bâtiments. Il a ajouté à cette occasion : « It doesn’t matter who you are, even the president of the United States, you have to obey the laws of New York City ». Joli bras de fer en perspective.

En conclusion, quelques leçons à tirer de l’exemple new yorkais en matière de bâtiment vert et durable

Une ambition dans la durée des politiques publiques de la ville de New York en faveur du bâtiment durable…  dans un pays que l’on dit parfois court-termiste!!! Sans le LL86 de 2005 et ses évolutions, le Green New Deal de 2019 n’aurait pas été possible.

le niveau de décentralisation : au moment où le gouvernement fédéral de Trump remet en cause les politiques sur le climat, la ville comme l’état de New York avancent. C’est le cas de nombreux autres états.

la réconciliation entre ville verte et billet vert : la transformation de New York en une ville plus verte ne se fait pas au détriment de son développement. C’est une condition fondamentale de l’acceptabilité de ces politiques. N’oublions pas que l’initiateur de ces politiques Michael Bloomberg était un businessman.

Et vous, trouvez-vous l’exemple new yorkais inspirant ou y voyez-vous plutôt une gigantesque illustration de green washing?