Mayotte, vous avez dit Mayotte. Voilà un petit bout de France loin de la métropole dont on n’avait jamais vraiment entendu parler. Et puis soudainement l‘île s’invite à la une de nos journaux. On y découvre une situation d’extrême tension sociale et de pauvreté sur fond de flux migratoires massifs et incontrôlables en provenance des Comores voisines. Mayotte nous appelle donc à l’aide. J’ai voulu comprendre ce qui s’y passait et comment on en était arrivé là. Je n’y jamais été, je n’irai sans doute jamais mais je vous propose quand même de vous y emmener.
MAYOTTE RESTÉE FRANÇAISE UN PEU PAR HASARD
Comme dans un bon guide touristique, commençons un peu de géographie et d’histoire. Mayotte est un ensemble d’îles de l’archipel des Comores dans l’Océan Indien à la pointe Nord de Madagascar. L’archipel des Comores ce sont 4 grands groupes d’îles : Grande Comore, Anjouan et Moheli forment un état indépendant la République Fédérale Islamique des Comores, Mayotte (256.000 habitants). Elle est restée française un peu par hasard…
En 1841, les Comores deviennent une colonie française. En 1974, la France organise un référendum d’auto-détermination des Comores. Trois îles votent l’indépendance à plus 99% mais un village mahorais résiste à l’indépendance : c’est Mayotte. Étrange résultat que ce patriotisme français d’une des îles. Je m’y suis donc intéressé. Je m’attendais à trouver des différences ethniques ou religieuses. Mais rien de tout cela, les mahorais de Mayotte sont bien les frères de ceux des 3 autres îles. Ils parlent le même type de dialecte et sont très majoritairement musulmans.
Mayotte est demeurée française pour un banale querelle de clochers. Le futur président pressenti des Comores était originaire d’Anjouan. Les habitants de Mayotte n’avaient tout simplement pas confiance dans ce personnage. Les tempéraments insulaires sont propices aux guerres de clans. Ils ont préféré la République au joug des Anjouanais. Suite à un tour de passe-passe signé Chirac, la séparation de Mayotte des autres îles de Comores est entérinée par Paris … contre l’avis de l’ONU. En 1976, les habitants de Mayotte confirment leur volonté. Ils avaient entre-temps vu le reste de l’archipel sombrer dans une grande pagaille politique et économique.
UNE PRESSION DÉMOGRAPHIQUE ET MIGRATOIRE INSOUTENABLE
Cela nous mène à la situation d’aujourd’hui : une quasi-insurrection, qui dure depuis des semaines, provoquée par un niveau d’insécurité dans l’île devenu insupportable. Il faut dire que depuis l’indépendance, les îles comoriennes ont connu une explosion démographique passant de 400.000 à plus d’1 million d’habitants. La densité d’habitants de Mayotte est de 682 habitants par km2 (pas très éloignée de celle de l’Ile de France) avec la combinaison explosive d’une immigration massive et d’un taux de fécondité très élevé (supérieur à 5 enfants par femme). Le PIB par habitant de l’île est de 8000$ par habitant (loin de la métropole 37.000$) 10 fois plus élevé que celui des Comores (800$ par habitant). Cette situation a créé un appel d’air migratoire massif des autres îles vers Mayotte. La population immigrée représente désormais quasiment 50% du total de l’île créant une déstabilisation profonde de l’île.
LE SYMBOLE DE LA MATERNITÉ DE MAYOTTE
La maternité de Mayotte a fait la une des journaux et donné lieu à un surréaliste débat théorique sur le droit du sol dont notre pays a le secret. Mais dans les faits, elle est symbolique des difficultés énormes du territoire. Le CHM (complexe hospitalier de Mayotte) est aujourd’hui la plus grande maternité de France. Le nombre de naissances y augmenté de 45% entre 2013 et 2016 avec un afflux massif de femmes comoriennes venues clandestinement y accoucher car leur enfant bénéficie alors de facto de la nationalité française.
Cela se traduit par une désorganisation profonde et la rancoeur des habitants. « Pour pallier le manque de place, outre le triplement des lits par chambre, on transfère les patientes en bonne santé trois heures après leur accouchement, vers les maternités périphériques. Il n’y a qu’à Mayotte qu’on fait ça. » confie une sage-femme à l’AFP. « Nous, on se ‘démerde’, alors que celles qui n’ont pas la Sécu, elles restent ». « Je me sens défavorisée, alors que je cotise, je paie mes impôts. » confie une jeune mère à l’AFP. Le statut d’extra-territorialité sur lequel planche le gouvernement pour la maternité est dans ce contexte une question de survie pour l’île.
La mondialisation produit des grands écarts entre les territoires, entre les métropoles et leurs périphéries. Mayotte comme Calais ou Lampedusa est une des frontières de la mondialisation. Ces frontières sont devenus des lieux bipolaires : portes du paradis pour les uns, enfer pour leurs habitants. Nous avons un devoir d’assistance vis-à-vis de ces territoires. Les solutions qui y seront trouvées ou pas seront un signe de notre capacité à gérer l’immense défi migratoire du XXIème siècle.
Mise à jour du 26/07/2018
Après un débat houleux à l’assemblée, les députés ont approuvé une adaptation du droit du sol à Mayotte. Pour bénéficier de la nationalité française, il faudra, pour un bébé né à Mayotte, que l’un de ses parents ait été au jour de sa naissance présent plus de 3 mois sur le territoire national de manière régulière. Les purs tenants du droit du sol ont crié au scandale. Je pense qu’à la maternité de Mayotte on a poussé un grand ouf de soulagement