Début février, Elon Musk annonçait à grand renfort de communication que Tesla venait d’acheter pour 1.5 milliard de dollars de Bitcoins. La marque accepterait désormais la cryptomonnaie pour l’achat de ses voitures. Suite à cette annonce, la cours du Bitcoin s’envolait passant de 30.000$ début février à 60.000$ en avril. Et puis brutale volte-face, Elon Musk vient d’annoncer qu’il ne serait plus possible d’utiliser des Bitcoins pour acheter une Tesla en raison du bilan carbone catastrophique de la crypto-monnaie. Cette soudaine « révélation » a provoqué une baisse de 25% du cours du Bitcoin entre le 11 et le 18 mai. Après notre article consacré à l’empreinte carbone du numérique, Etonnante Epoque décrypte (brillant jeu de mots!!!) celle du Bitcoin. Et vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
Le Bitcoin, une blockchain comment ça marche?
Bon rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours sur le fonctionnement du Bitcoin. J’en serais bien incapable. Il est néanmoins indispensable de vous présenter quelques notions de base pour comprendre pourquoi le Bitcoin a une empreinte carbone importante, à commencer par la blockchain la technologie sur laquelle s’appuie la cryptomonnaie. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous qui donne le mode d’emploi de la blockchain de manière vulgarisée.
Définition de la blockchain
Une blockchain est une base de données entièrement transparente et sécurisée qui contient l’historique de tous les échanges réalisés entre ses utilisateurs depuis son ouverture. Cette base de données est partagée entre tous ses utilisateurs et ce sans intermédiaire. Grâce à cela, chacun peut vérifier la validité de cette chaîne.
Blocs définition :
Une blockchain comme son nom l’indique, c’est une chaîne de blocs. Mais qu’est-ce qu’un bloc? C’est un maillon de la chaîne qui contient les informations liées à un certain nombre de transactions. Quand ce nombre de transactions est atteint, on va sceller le contenu du bloc à l’aide d’une clé avant de passer au bloc suivant. Le calcul de cette clé à l’aide d’une fonction mathématique dite de hachage cryptographique nécessite une grande puissance de calcul. C’est l’opération dite de minage.
Minage et mineurs
Le minage est une opération consistant à valider les transactions d’un bloc par le biais d’un calcul mathématique complexe (détail dans la vidéo). C’est cette opération qui permet de sécuriser la blockchain. Les mineurs sont les personnes qui réalisent cette activité de minage. Quand ils ont résolu le problème mathématique complexe permettant de sceller un bloc, ils reçoivent une récompense par l’émission de nouveaux Bitcoins. Mais pourquoi ce nom de mineurs? Ils sont comme des chercheurs d’or numérique qui fouillent frénétiquement parmi une infinité de combinaisons mathématiques pour trouver celle qui « vaut de l’or ». Vous le comprendrez bien dans la suite de l’article.
Une compétition mondiale entre les mineurs de Bitcoins attirés par l’appât d’un marché de 1 milliard de $ par mois
Petit problème mathématique simple :
- Sachant qu’un mineur de Bitcoin reçoit 6.25 Bitcoins à chaque fois qu’il arrive à valider un bloc, qu’un Bitcoin vaut 40.000$, qu’un bloc est produit toutes les 10 minutes, quelle somme les mineurs se répartissent-ils tous les mois?
- Réponse : chaque bloc miné rapporte 250.000$, il y a 144 blocs par jour ou 4300 blocs par mois, soit un marché d’environ 1 milliard de $ par mois
Vous comprenez maintenant la comparaison entre les mineurs de Bitcoins et chercheurs d’or. On a vu ces dernières années une véritable ruée vers le minage de Bitcoins. On estime aujourd’hui à 1 million le nombre de mineurs dans le monde, attirés par l’appât du gain.
Pour empocher le magot, il faut être le premier mineur à trouver la combinaison magique. Comme la recherche est aléatoire, c’est celui qui dispose de la plus grosse puissance de calcul qui l’emporte. Si vous vous lancez dans le minage avec votre PC, vos chances de réussite sont infimes. Il s’est donc constitué de véritables coopératives de mineurs (mining pool) alliant leurs puissances informatiques pour gagner la bataille.
Ils utilisent pour cela des ordinateurs spécifiques baptisés ASIC, 1000 fois plus rapides qu’un ordinateur classique pour faire tourner les fonctions de hachage. Mais un seul ordinateur ASIC n’est pas suffisant pour espérer remporter cette bataille sans merci. Les mineurs ont donc créé des fermes à Bitcoin dans lesquelles ils vont mettre en réseau plusieurs centaines de machines.
La consommation d’énergie des fermes à Bitcoin dépasse celle de l’Argentine avec une empreinte carbone préoccupante
Le problème est qu’il faut de l’électricité, beaucoup d’électricité pour faire tourner ces fermes à Bitcoin. Inutile de songer à ouvrir votre ferme à Bitcoin en France, le prix du Kilowattheure y est bien trop élevé. Pour rester compétitifs, les mineurs ont choisi de s’installer dans les régions où l’électricité est à bas coût.
La Chine se taille la part du lion avec une part de marché proche de 70%. Les mineurs chinois se sont massivement rués vers la province du Sichuan où les capacités de production d’électricité hydroélectrique sont largement excédentaires lors de la saison des pluies.
Avec le développement de la cryptomonnaie, cette consommation d’énergie explose. En effet, la fréquence de production des blocs ne varie pas : toutes les 10 minutes quels que soient le nombre de mineurs. Quand ce dernier augmente, la complexité du problème mathématique à résoudre augmente proportionnellement et par conséquent la consommation d’énergie.
Il faut donc toujours plus d’énergie pour miner du Bitcoin. Selon les estimations de l’université de Cambridge, le minage de Bitcoins consommerait 0.6% de l’électricité mondiale soit plus d’électricité que l’Argentine!!!
Et puis comme pour les data centers, il faut refroidir tous ces ordinateurs qui chauffent en calculant. Les pays froids comme la Russie, les pays scandinaves ou l’Islande sont donc devenus des eldorados du Bitcoin. Les fermes à Bitcoin y consomment plus d’énergie que les islandais!!!
Une empreinte carbone du Bitcoin limitée par les énergies renouvelables?
Cette folie énergétique du Bitcoin est connue depuis longtemps. L’empreinte carbone des technologies à la blockchain des cryptomonnaies (Bitcoin ou Ethereum) ou des NFT est donc significative et en forte croissance. Il est curieux qu’Elon Musk ne s’en aperçoive que maintenant. Il dit avoir pris conscience de l’utilisation massive par les Chinois de charbon pour miner du Bitcoin. Tardive révélation! Mais mieux vaut tard jamais, diront certains.
Les défenseurs de la cryptomonnaie lui rétorquent que plus de 80% des Bitcoins sont minés à partir d’énergie renouvelable. Ils affirment même que le Bitcoin contribuerait à rentabiliser certaines sources d’énergies renouvelables en consommant leur production à des heures où personne n’en veut. La cryptomonnaie serait donc avant un consommateur d’énergie décarbonée non émettrice de gaz à effet de serre.
Mais ce chiffre est contesté. Une étude de chercheurs chinois publiée dans la revue Nature estime plutôt que 40% de l’électricité utilisée par les mineurs chinois est produite dans des centrales thermiques à charbon lourdement émettrices de CO2. Elle alerte sur l’explosion prévisible de l’empreinte carbone du Bitcoin en Chine si la cryptomonnaie continue à se développer. Elle estime même que le minage de Bitcoin pourrait à lui seul saper les efforts de la Chine en matière de lutte contre le changement climatique.
Et puis surtout, dans un monde de production d’énergie décarbonée contrainte, utiliser les énergies renouvelables disponibles pour miner du Bitcoin n’est-il pas absurde? Les ressources géothermiques de l’Islande ont-elles vraiment vocation à transformer l’île en ferme à Bitcoin géante? Heureusement comme pour les data centers, la technologie progresse en termes d’efficacité énergétique. On peut donc espérer que ce minage à l’impact environnemental fou fera bientôt partie de la préhistoire des cryptomonnaies.