Mercredi 4 heures du matin, je me suis réveillé. Comme tant d’autres, je suis allé faire un tour sur Internet pour vérifier qu’Hillary Clinton avait bien été élue comme prévu. J’ai vu la carte se dessiner de Trump partout. Je n’ai pas voulu y croire. Les médias étaient comme moi. Ils essayaient de se raccrocher à la possibilité que finalement, dans le Michigan, Hillary allait arracher la victoire. Ce vrai-faux suspens n’a pas duré longtemps. Les chiffres étaient tristement têtus. Le monde s’est réveillé avec la gueule de bois. J’ai alors pensé à Stefan Zweig, cet écrivain que j’admire tant mais qui a fini par se suicider après avoir vu son monde s’effondrer. Déjà le Brexit au printemps, maintenant Trump…
Trump le populiste
Ils ont élu Trump. Pourtant il a dit tout et son contraire. Il est raciste et xénophobe. Il aime les femmes surtout soumises. Enfin il éructe, il vocifère. Et puis, il ne s’embarrasse pas des nuances. Il est même complotiste. Et il a fait de l’insulte sur Twitter, son mode de communication. Surtout il n’a aucune expérience politique. Il dirige un groupe à la réputation sulfureuse, riche aujourd’hui mais après avoir frôlé la faillite à plusieurs reprises. Il ne paie sans doute pas ses impôts depuis des années. Son activité principale avant la campagne était un show de téléréalité, le Cauet des Etats Unis. Avec sa gouaille et ses cheveux peroxydés, il n’est pas sans me rappeler un certain Jean-Marie natif de Bretagne. Bref vous le voyez bien, il ne coche a priori aucune case pour le profil idéal du président de l’état le plus puissant du monde.
Mais une petite voix me susurre à l’oreille : « Bon allez, je t’arrête tout de suite. Tu es en train de me débiter une série de clichés vus de Paris 17ème. J’aurais pu l’écrire à ta place ces lignes. Tu es tellement prévisible. Tu n’as rien compris. Vous n’avez rien compris depuis le début »
Je me défends vivement : « Les insultes, c’est factuel. Le mépris des femmes, c’est factuel. L’ignorance c’est factuel… Trump est vulgaire et l’assume »
Trump le champion de l’Amérique délaissée par la mondialisation
Mais la petite voix persiste : « Et ton héroïne Hillary, la championne du monde des conférences grassement payées. Au niveau respect des femmes, son Bill est vraiment un modèle. Et puis souviens-toi Worcester MA. les friches industrielles, les délocalisations au Mexique, le Centre-ville délabré. Et puis là, on est encore près de Boston. Va encore 100km plus à l’Ouest. Tu y as vécu, tu ne peux pas nier. Et puis c’était avant les subprimes… »
Moi : « C’est vrai. Je les revois ses petites villes américaines avec leurs suburbs s’étendant à perte de vue avec leurs maisons en bois. Les gens y passent 6 heures par jour devant leur télévision en sirotant du soda et en grignotant des saloperies pleines de graisse. Ensuite, ils sortent faire un tour au shopping mall du coin dans leur gros pick-up truck. Leurs gamins sont souvent obèses. Ils vont à l’église le dimanche où un prêcheur leur bourre le crâne et sont persuadés d’habiter le plus bel endroit de la terre »
La petite voix : « Tout de suite le mépris. Tu oublies qu’ils sont pour la plupart travailleurs, experts dans leur domaine et bien plus efficaces que les beaux parleurs comme toi. Ils n’ont pas eu d’augmentation de salaires depuis 30 ans. Les gens comme toi leur ont vendu le rêve de la prospérité par la mondialisation et le libre-échange. Comme ça ne marchait pas, vous les avez drogués avec l’opium de l’endettement pas cher. Ils se sont réveillés avec mal au crâne et ils se rebiffent. Toi et tes semblables, vous leur avez craché à la gueule. Tu t’attends à ce qu’ils vous remercient. »
Et demain en France?
Moi : « Mais quand même Trump… »
La petite voix : « Tu rêves tout haut mon coco. Quand le peuple est en colère, il ne fait pas dans la nuance. Enfin, tu t’attendais à quoi, un Balladur de l’anti-mondialisation !!! »
Je frissonne intérieurement. La petite voix m’agace mais me trouble. Pourtant dans 6 mois, nous élirons notre futur président en France. Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets ? Les villes moyennes et rurales en France sont en crise. Et nous ne les écoutons pas. Avez-vous été à Châteauroux ou à Limoges récemment ? Les entrepreneurs du bâtiment sont concurrencés par la main d’oeuvre des Pays de l’Est. Les éleveurs n’arrivent plus à vendre leur lait. En même temps, les start-up parisiennes prospèrent. Le candidat modéré saura-t-il redonner des perspectives aux français des villes moyennes et rurales? Le candidat modéré saura-t-il éviter le mépris de classe ? Aurons-nous entendu la leçon américaine? Sinon…
https://www.arte.tv/fr/videos/082806-000-A/comment-trump-a-manipule-l-amerique/
Au cas où