Le groupe PSA (Peugeot, Citroën…) annonce que le télétravail à distance sera désormais la référence pour les activités non liées directement à la production d’automobiles. Concrètement cela signifie que les collaborateurs de Peugeot travailleront désormais l’essentiel de leur temps à distance. Ils viendront en complément 1 à 1.5 journée par semaine au bureau sur site dans des espaces collaboratifs. Ce projet impulsé par la direction de PSA semble recueillir un large soutien des salariés comme des organisations syndicales. Au moment où nous entendons tant de vœux pieux sur le monde d’après où chacun projette sa propre vision du monde, voici un changement bien concret et immédiat. Nous vous proposons d’en explorer les conséquences potentiellement vertigineuses.
A la sortie du confinement, Peugeot franchit le Rubicon du télétravail massif
En cette semaine de déconfinement, Peugeot a donc décidé de faire du télétravail à distance la règle et non plus l’exception. Ce changement concerne 80.000 des 200.000 employés de PSA. C’est donc à une révolution massive dans l’organisation du travail qu’a choisi d’opérer le constructeur automobile. Désormais les salariés ne viendront travailler au bureau qu’une à une journée et demie par semaine. La période de confinement aura servi de test grandeur nature et d’accélérateur à une tendance déjà lancée dans le groupe.
Mais pourquoi PSA a-t-il fait ce choix? Les raisons sont multiples. Comme le dit pudiquement le DRH (Directeur des Ressources Humaines) de l’entreprise Xavier Chéreau : « nous allons réduire notre empreinte immobilière » avec à la clé des économies de plusieurs centaines de millions d’Euros. Cette généralisation du télétravail est donc aussi une affaire de coûts. Mais qui dit coût, dit question de l’efficacité du télétravail par rapport aux formes de travail classique. Inenvisageable de perdre en productivité ce que l’on a économisé en surface de bureau.
Le télétravail a fait ses preuves pendant le confinement mais l’évolution des modes de management reste à inventer
Si PSA franchit aujourd’hui ce cap, c’est qu’il a acquis la conviction de l’efficacité du travail à distance. La période qui vient de s’écouler a servi de test grandeur nature de ses possibilités. Elle a permis de lever de nombreuses idées reçues. Le confinement nous a bien montré forces et limites de la réunion à distance par Zoom, Teams, Slack et autres outils.
Nous avons tous été surpris par leur efficacité dans un contexte français marqué par la réunionite et le présentéisme : réunions plus courtes, plus productives. En même temps, tout cela manque de chair, cela déshumanise le travail. Nous nous réjouissons tous de retrouver le contact en face à face, l’échange à la machine à café… Et puis le présentéisme a son pendant : l’énorme tentation de « téléglandouillite ». Le tout télétravail demeure donc difficile d’où l’importance fondamentale de la journée et demie de bureau prévue par PSA.
De nouveaux rituels seront donc à inventer. Le contenu et l’organisation du temps passé au bureau seront de ce point de vue fondamentaux. Cela passe notamment par une complète réorganisation de l’espace. Comme le dit Xavier Chéreau dans une interview au Point : « mais nous allons franchir un pas de progrès pour avoir des espaces plus conviviaux, plus centrés sur le fonctionnement en équipe et les interactions, avec des lieux de créativité. » Les bureaux seront reconfigurés, les modes de travail, de management complètement bouleversés. Vertigineuses conséquences!!!
Le télétravail généralisé : un gain énorme de qualité de vie pour les salariés des grandes métropole
Mais le changement ne s’arrête pas là. Les organisations syndicales (curieusement à l’exception de la CGT) semblent plutôt favorables à ce changement. FO premier syndicat du groupe PSA en France se disait dans un communiqué cette semaine « prêt à étudier une évolution, sans précipitation.[…]. L’évolution de l’organisation du travail ne pourra se faire que par la coconstruction et sans brûler les étapes. » Une belle ouverture à la négociation.
Il faut dire que cette évolution permettra de changer radicalement la qualité de vie de nombreux salariés. Le temps de trajet moyen travail-domicile en Île de France s’élève en moyenne à 2 fois 45 minutes suivant une étude BVA réalisée en 2018 avec Salesforce. On sait que l’écart type autour de cette moyenne est important. Dans cette même étude, 88% pensent que les entreprises doivent davantage prendre en compte les problématiques de mobilité pour favoriser le bien-être. Ce mouvement vers le télétravail serait donc plébiscité par les travailleurs dans les grandes métropoles épuisés par les trajets quotidiens en voiture ou en transport en commun. Le télétravail un incontournable en termes de qualité de vie au travail (QVT).
Pollution, réduction des émissions de CO2, le bénéfice environnemental du télétravail mis également en avant par Peugeot
Autre bénéfice mis en avant par Peugeot, le télétravail fait partie intégrante du plan d’actions de l’entreprise vers la neutralité carbone. Moins de bâtiments de bureau, moins de déplacement en voiture entre domicile et travail, l’impact en termes de gaz à effet de serre du télétravail semble largement positif même si l’empreinte carbone des outils numériques ne doit pas être négligée. L’ADEME encourage d’ailleurs cette pratique. J’ai cherché des chiffres qui permettraient de confirmer ou d’infirmer cette intuition. Mais je n’ai pas trouvé d’étude récente à ce sujet. Si vous avez une source, je suis preneur.
Alors je me prends à rêver. Si le télétravail permettait de réduire les embouteillages, de désengorger nos villes, de diminuer massivement la pollution et les émissions de CO2 liées aux transports. Si le télétravail était en fait un remède un miracle aux maux dont souffrent nos cités. Si les tristes tours de la Défense et leurs gigantesques open space devenaient les obsolètes dinosaures vestige d’une autre époque. Bien sûr, cela posera d’autres problèmes comme une nouvelle fracture entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas télétravailler, la frontière vie personnelle, vie professionnelle, la réorganisation complète de nos villes… Le chantier est immense, les conséquences vertigineuses sur l’ensemble de la vie de la cité. Voilà un bel enjeu concret pour le monde d’après!!!
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Mise à jour du 25/07/2020 : PSA testera la généralisation du télétravail dès la rentrée 2020
PSA l’avait annoncé. L’entreprise testera la généralisation du télétravail dès la rentrée de septembre. Le rythme choisi est de 3.5 en travail à distance contre 1.5 au bureau. 8 sites dans le monde (Poissy, Vélizy, Sochaux, Carrière-sous-Poissy mais aussi Sao Polo, Moscou, Coventry et Casablanca) serviront de sites pilote à cette expérimentation concernant potentiellement près de 40.000 salariés.
Des discussions sont toujours en cours avec les organisations syndicales. Elles demandent que cette phase test se fasse exclusivement sur la base du volontariat.
dans le confinement actuel, pour beaucoup, ce n’est pas à proprement parler de télétravail, mais de travail à domicile en mode dégradé ! il faut prendre en compte l’inadaptation du matériel de télétravail ou du bureau à domicile qui peut engendrer des risques physiques (musculo-squelettiques, visuels, électriques…) liés à leur mauvaise ergonomie ou à une installation défectueuse, des risques psychologiques sont aussi importants : perte des limites entre vie professionnelle et privée ! : « La prévention des risques du télétravail » : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=489
Merci pour votre commentaire. Vous avez raison, le télétravail récurrent ne peut s’improviser au risque de conduire au pire en termes de qualité de vie au travail : risques physiques comme psychologiques. Je pense que l’aspect physique sera traité car c’est facilement identifiable, pour l’aspect managérial le chantier est plus important et difficile