La réalité dépasse la fiction. Les scénaristes pourtant audacieux d’House of Cards ne l’avaient pas imaginé. Le feuilleton de l’élection américaine Trump-Biden tour à tour nous passionne, nous fascine, nous désole depuis quelques jours. Les médias français se sont mis à l’heure américaine. Alors je me suis mis à regarder CNN. Wisconsin, Pennsylvanie, Arizona, Michigan, Géorgie, la géographie américaine des « swing states » n’a désormais plus de secret pour moi grâce à John King le journaliste vedette de la chaîne. En ces temps de confinement, cette élection américaine nous aura emmené en voyage virtuel aux Etats Unis pour le meilleur et pour le pire.
Ils ont re-voté pour Trump
Voter pour Trump. Folie pensons-nous en Europe. Et pourtant il y a 4 ans, ils avaient élu Trump. Cette Amérique profonde désabusée par la mondialisation, ruinée par les subprimes, qui a vu ses revenus stagner depuis 20 ans, avait voté Trump. Singulier pari de s’en remettre à un milliardaire new yorkais symbole de ces super-riches américains.
« Errare humanum est sed perservare diabolicum » nous enseigne Sénèque (« l’erreur est humaine mais persévérer est diabolique »). Trump avait dit tellement de bêtises (boire de l’eau de javel contre le Covid, racheter le Groenland….), tellement menti. Tout le monde attendait la vague bleue mais elle n’a pas eu lieu. Près de la moitié des américains ont continué à voter pour celui que nous considérons comme un dangereux psychopathe. Incompréhensible?
Plongée télévisuelle dans l’Amérique profonde
Les reportages nous emmènent dans l’Amérique des villes petites et moyennes avec ses maisons en bois. Les centre-villes y ont depuis longtemps disparu remplacés par les shopping malls. On y redécouvre ces américains moyens, à l’aise dans l’expression orale malgré leurs idées simplistes, souvent tatoués et en surpoids. Ce qui frappe dans leur discours, c’est cette méfiance énorme vis-à-vis du système, des « élites » de Washington, de son « état profond » (deep state).
Cette Amérique trumpienne est devenue largement paranoïaque. Elle n’écoute plus les « fake news media » traditionnels. Elle est hautement perméable aux théories du complot les plus folles comme nous l’expliquions dans notre article consacré à QAnon. En fait, elle adhère au récit parallèle fait par Trump avec ses boucs émissaire : immigrants, Chine, antifa... Religieuse, elle défend la famille traditionnelle et s’oppose au modèle multi-culturel californien.
Nous Européens regardons cela avec un air sarcastique, un brin condescendant. Mais cette incompréhension radicale n’est pas sans me rappeler celle des parisiens comme moi vis-à-vis du mouvement des gilets jaunes. La mondialisation a fracassé nos sociétés. Les perdants de la mondialisation réagissent avec leurs tripes. Ainsi est fait l’être humain. La popularité de Trump nous rappelle tristement les sombres heures des années 30.
Alors je regarde CNN et son présentateur vedette John King
Comme tout le monde, je suis pris par le suspense de la série. Le scénario est bien fait. Au début, on croit que le « bad guy » va gagner. Puis progressivement l’espoir revient. Mais le bad guy n’est pas prêt à se laisser faire. Alors je regarde CNN. Les présentateurs en font des tonnes. Costumes impeccables, épaules carrées de sportifs, débit de parole mitraillette, rien n’a changé depuis 20 ans. J’avais oublié ce sens du show des télés américaines.
Rien n’a changé… pas si sûr. CNN, qui était la chaîne d’info neutre par excellence, est devenu un média militant anti-Trump, l’anti Fox News. Les commentaires élogieux à chaque discours de Biden contrastent singulièrement avec les éditoriaux de Fox News qui le descendent à boulet rouge.
John King et l’Amérique qu’on aime
Et puis le digital est passé par là à l’appui de John King 59 ans, le commentateur politique vedette. A l’aide de sa carte interactive, John King nous fait voyager avec maestria de comté en comté. Nous passons avec lui d’un clic de Maricopa County en Arizona au Bucks County à côté de Philadelphie. Les cartes sont parlantes. On voit des ilots bleus autour des grandes villes encerclés par des comtés ruraux tous rouges.
A 300 à l’heure, John King pianote sur son écran tel un musicien virtuose. Il multiplie les simulations de résultats en fonction des différents scénarii de victoire dans chaque état. Pour cela, il jongle avec le temps, revenant 6 heures, 12 heures, 1 jour en arrière pour montrer l’évolution des tendances. Il peut même nous ramener 4 ans en arrière pour comparer les résultats avec ceux de l’élection Trump vs. Clinton.
Imperturtable, infatigable, il continue sa démonstration pendant des heures, des jours, avec toujours le même enthousiasme. Rien ne semble pouvoir arrêter la « machine » John King de jouer avec son magic screen. Et là, je retrouve l’Amérique que j’aime, à la pointe de la technologie avec des supers pros incontestables dans leur domaine, l’Amérique qui inspire le monde.
Le feuilleton semble se terminer, John King nous annonce une « happy end » mais des rebondissements sont toujours possibles