En 1968, Dubaï était une petite ville de pêcheurs de 60.000 habitants. Comment en seulement 50 ans cette bourgade s’est-elle transformée en la nouvelle Babel ? À Dubaï on n’a plus de pétrole mais on a des idées et des voisins qui ont beaucoup de pétrole pour les financer. À partir des années 2000, les réserves en pétrole de l’émirat ont commencé à se tarir. L’être humain n’est jamais aussi créatif que sous contrainte. L’émirat l’illustre à merveille ou plutôt en l’occurence son Cheikh Rachid Al Maktoum. La prince a eu une vision pour sa ville. Dubaï aujourd’hui c’est la réalisation concrète de sa vision.
Yallah expression provenant de l’arabe voulant dire « allons-y », « dépêchons-nous », « en route »
DUBAI UN ÉMIRAT SANS PETROLE
Confronté à la nécessité de reconversion de son pays, il a eu une idée géniale : encourager par un régime tolérant et ouvert ses riches voisins à venir investir leur argent chez lui. Il commence donc par transformer Dubaï en lieu de transit du commerce régional. Dubaï devient ainsi un exutoire aux strictes régimes du Golfe. On y trouve sans difficulté alcool et autres plaisirs. Fort du succès de cette première étape, il décide de transformer Dubaï en plateforme touristique et financière entre l’Europe et l’Asie.
Mais me direz-vous, comment sont-ils passés de l’intention aux actes aussi rapidement. Cette vitesse de mise en œuvre des projets les plus fous est une caractéristique de Dubaï. On redécouvre là les « avantages oubliés » dans nos démocraties de la monarchie absolue. Comme nous l’a expliqué un émirat, c’est assez simple : « the prince has a vision and then « Yallah ». On y va, on le fait.
Le prince veut créer une compagnie aérienne : Yallah, Emirates décolle et possède aujourd’hui la plus grosse flotte au monde d’A380. Le prince veut développer une offre touristique unique au monde. Yallah, on construit des îles artificielles en forme de palmiers. Le prince veut qu’il pleuve sur l’émirat. Yallah, on développe des technologies pour tirer sur les nuages et les transformer en pluie. Le prince veut la plus grande tour du monde. Yallah, on construit la Burj Khalifa. Le prince veut le bonheur pour son peuple, Yallah il nomme un ministre du bonheur.
Il y a un côté Roi Soleil chez l’Emir de Dubaï. Le grandiose jeu de fontaine devant la Burj Khalifa m’a rappelé les grandes eaux de Versailles. Fontaines, j’ai bien dit fontaines…. en plein désert. Yallah!!!! Dubaï construit son deuxième aéroport. Pas vraiment de ZADiste à l’horizon. On ne plaisante pas vraiment avec l’ordre public dans l’Emirat, une des plus fortes concentrations au monde de caméras de surveillance et un régime répressif pour les opposants. Pas vraiment la démocratie.
UNE PLANIFICATION MÉTHODIQUE
The prince has a vision. Cette vision est formalisée dans un Dubaï 2021 plan . Ce document est très intéressant. L’ambition est manifeste et dépasse largement celle de la cité touristique clinquante du début. On y parle d’éducation, de développement durable, de gouvernance, d’excellence dans l’éducation et la santé, de smart city….. en résumé une ville cosmopolite à la pointe de la mondialisation dans tous les domaines. La forme ce plan est aussi très instructive. Elle ressemble à s’y méprendre à une stratégie d’entreprise : des piliers stratégiques, des actions clé et des indicateurs pour mesurer l’avancée du plan. Des visionnaires, des planificateurs, l’histoire récente en est pleine. Le gosplan était ambitieux mais échouait systématiquement. Hugo Chavez avait l’argent du pétrole mais a conduit son pays à la ruine. Le prince transforme lui ses rêves en réalité.
Ça n’est pas un hasard si Dubaï 2021 ressemble à un plan d’entreprise. Le mélange entre impulsion étatique et réalisation par des acteurs privés mondialisés est en effet la deuxième idée géniale du Cheikh Rachid Al Maktoum. Il a fait de l’émirat un aspirateur à talents de tous les continents. Sur les 9 millions d’habitants, on compte 8 millions d’étrangers venus du Monde entier en particulier du sous-continent indien. Pour ces étrangers Dubaï est un Eldorado. À Dubaï, l’argent coule à flot. Je n’avais jamais vu une telle concentration de voitures de luxe. On y vient pour devenir riche (ou moins pauvre pour les semi-esclaves bâtisseurs de tour : un envers du décor nettement moins sympathique). On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. L’émirat a donc créé de gigantesques zones franches. Curieusement les GAFA et les grandes banques s’y sont installées massivement….
Le village de pêcheur est ainsi progressivement devenu un des centres de décision qui compte dans la mondialisation, une ville où tout est possible.