Consommation de viande : la complainte de l’entrecôte

À midi au restaurant avec vos collègues, vous avez longuement hésité. Et puis faisant fi de vos bonnes résolutions alimentaires, vous avez craqué pour la pièce de bœuf sauce béarnaise. Saignante bien sûr. De quoi faire de vous une exception. Car au cours des 10 dernières années, la consommation de viande est en chute libre en France (-12% suivant une étude du CREDOC). Crise sanitaire, impact environnemental, notre régime alimentaire de demain sera vraisemblablement moins carné. Les français et leurs collègues des pays développés semblent délaisser ce qui fut, particulièrement durant les Trente Glorieuses, la star des assiettes. Les français mangent moins de viande. Et ce sous toutes ses formes : brute, cuisinée, steaks, poulets, jambon ou dans un plat transformé comme les hamburgers ou les pizzas.

La consommation de viande des Français en berne

Ainsi en 2007, les français mangeaient ne moyenne 153 g de produits carnés par jour. En 2016, ce total s’établit à 135 grammes. Ça fait quand même presque 50 kilos par an. Une seule tranche d’âge semble échapper à cette tendance profonde : les 18 -24 ans. Par le biais des multiples plats transformés  (sandwiches, burgers…) qu’ils ingèrent, ces derniers restent au-dessus des 150 grammes par jour. La différence de consommation suit également une distinction sociale, puisque dans les catégories socio-professionnelles supérieures, la chute de consommation est de 18% (113g / an / personne), tandis que la quantité quotidienne reste supérieure à 150 grammes chez les ouvriers.

Comment expliquer ce désamour pour la barbaque, la bonne bidoche ? Cette entrecôte que le maréchal des logis chef Cruchot partait conquérir à travers le New-York des années 70 pour redonner le moral à une troupe de gendarmes français désespérés de se retrouver en permanence face à des hamburgers.

Santé, économie, environnement, cause animale, de multiples raisons à la baisse de la consommation de viande en France 

Plusieurs raisons ont été identifiées : santé, économie, environnement ou bien encore cause animale. La viande, ou du moins sa consommation excessive, serait à l’origine de différents troubles de la santé. En 2015, un rapport de l’OMS suggérait en effet un lien potentiel entre sur-consommation de viande rouge et certains cancers. On la dit également à l’origine de maladie cardio-vasculaires, par sa haute teneur en cholestérol et acides gras saturés. Du coup manger de la viande à tous les repas, pourtant symbole de richesse et de développement, serait mauvais pour notre santé.

Son coût contribue également à la baisse de sa consommation. Ces dernières années, le prix de la viande a en effet augmenté plus que l’inflation. La consommation de viande est-elle amenée à connaître le même destin que celui du vin de table qui a quasiment disparu au profit d’une consommation plus ludique ? Si le budget consacré à la viande ne baisse pas, c’est la quantité qui baisse. Combien de fois avez-vous entendu à la machine à café, où comme tout bon français, nous parlons nourriture : « la viande c’est moins souvent mais de meilleure qualité ». Et chacun de recommander une boucherie haut-de-gamme, tenue par un ancien collègue et alimentée par les meilleurs éleveurs, ceux qui élèvent leurs vaches en plein air et leur lisent du Hugo tous les soirs avant l’endormissement.

Un impact important sur l’environnement

Le point suivant dans ce réquisitoire implacable est que la viande est aussi accusée de nuire à l’environnement. Reconnaissons-le, les impacts environnementaux de l’élevage ne sont pas neutres : pollution des eaux souterraines, affaiblissement des stocks génétiques du bétail, forte émission de gaz à effet de serre, déforestation. Au Brésil, 56% de la déforestation dans le Cerrado et 75% en Amazonie concernent l’expansion des ranchs. En Inde, les déchets animaux contribuent à 70% de la pollution de l’eau de surface. On estime qu’il faut 15.000 litres d’eau pour produit un kilo de viande de bœuf (contre 1000 litres pour un kilo d’avocat). Quand on sait que l’eau va devenir une denrée rare dans les années qui viennent, on peut se poser la question de la filière viande actuelle.

Le sujet du bien être animal à la une dans les médias

Une filière accusée également de maltraiter les animaux lors de l’abattage. Ces derniers temps, de nombreuses vidéos de maltraitance dans les abattoirs ont circulé, contribuant un peu plus à jeter un voile opaque sur le business de la viande. Et que dire des scandales de traçabilité : si la crise de la vache folle semble derrière nous, nous fumes tous atterrés d’apprendre que les lasagnes congelées qui font le bonheur des enfants contenaient de la viande de cheval ! 

Le système actuel de production de masse touche sans doute ses limites. Les éleveurs sont régulièrement en train de déverser du fumier devant les préfectures pour protester contre la baisse de leur niveau de vie. L’ avenir n’est-il pas dans la qualité plutôt que dans la quantité. Quand on sait qu’en France, 80% du porc bio est importé, on peut se dire que l’adéquation de l’offre à la demande peut être améliorée. Le modèle tout industriel est d’ailleurs en crise comme l’illustre la faillite en 2018 des poulets Doux et a contrario le fort développement des volailles labellisées (label rouge, élevées en plein air…)

La consommation de viande dans le Monde flambe

Si la France partage cette situation avec d’autres pays développés, le constat au niveau mondial est cependant différent. En effet l’humanité n’a jamais consommé autant de viande. Durant les cinquante dernières années, la consommation de viande a presque doublé dans le monde. Elle est  passée de 23.1 kg / an / personne en 1961 à 42.2 kg / an / personne en 2011. Les Nations Unies estiment que la consommation va encore augmenter de 76% d’ici 2050 avec notamment un doublement de la consommation de volaille.

Comment faire face à cette explosion de la demande ? Comme nous l’avons vu, la viande consomme fortement les ressources de la planète. Ainsi quand 10 milliards d’humain peupleront la surface du globe, comment ferons-nous pour leur assurer la subsistance, en sachant que notre Terre n’a pas les ressources naturelles pour soutenir le régime que nous connaissons actuellement. Nous en parlerons dans le prochain article consacré à l’étude EAT Lancet sur notre régime alimentaire de demain. En attendant de manger des noix, promis ce soir je prends du poisson !

Mise à jour du 25/08/2019 : la consommation de viande en France en 2018 a augmenté pour la 1ère fois depuis 10 ans

Ceux qui pensaient la baisse de la consommation de viande inexorable en seront pour leurs frais. Les chiffres communiqués par le ministère de l’agriculture montrent le contraire. Pour la 1ère fois depuis 10 ans, la consommation de viande en France est repartie à la hausse en 2018. La hausse est certes modeste : +6,7% pour la volaille,+1,3% pour les bovins, +1,1% pour le porc, et -1,3% pour les ovins. Mais elle est tout de même significative.

On aurait pu penser que le fort bruit médiatique autour du bien être animal et des abattoirs aurait un impact fort à la baisse. On voit qu’il n’en est rien. Les repas végétariens Feed et les burgers et autres KFC vegans sont loin d’avoir gagnés la partie.  

Commentaires (3)
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    • Ban500

      Merci de votre remarque. C’est corrigé dans l’article

  • 1011-art

    La consommation (ou la surconsommation) pour assouvir le désir au point où l’argument publicitaire évoque ce plaisir du bon, du beau, du naturel de la viande … Petit complément artistique à votre bon article, Plasticienne, j’ai réalisé une série de dessins intitulée « Pouvoir d’achat ». Absurdité et cynisme des mots utilisés pour l’étiquetage des barquettes de viandes. Cette série de dessins aux crayons de couleur reprend mot pour mot les étiquettes des communicants de l’agroalimentaire. Affligeant comment les slogans font avaler n’importe quoi …
    A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/dessein.html