Après l’épisode 4, nous nous retrouvons pour une nouvelle semaine de chroniques du confinement. Cette semaine s’est étirée en longueur. La lassitude collective du confinement est montée d’un cran. Les Français avaient besoin de perspectives. Le Président Macron a fixé la date du début du déconfinement au 11 mai. Nos 3 chroniques du confinement de la semaine sont donc largement consacrées à cette perspective du déconfinement. Au programme cette semaine : la gestion en mode projet de la gigantesque logistique pour réussir le D-Day 11 mai du déconfinement, le difficile dilemme entre contact tracing et déconfinement et enfin comment nos voisins allemands nous montrent la voie.
COVID-19 Chroniques du confinement JOUR 26 : appli StopCovid devrez-vous choisir entre tracking et confinement?
Le gouvernement a annoncé le lancement du projet « StopCovid ». Il s’agit une application mobile destinée à déterminer les chaînes de transmission du virus. Installée sur la base du volontariat, cette appli utilisant la technologie Bluetooth permettrait d’identifier les personnes qui ont été en contact avec une personne contaminée. C’est la combinaison de ce système avec la réalisation massive de tests qui a permis à la Corée du Sud d’endiguer l’épidémie sans confinement. Il n’est guère réjouissant de voir se mettre en place ce type de systèmes de contact tracing. On imagine sans peine les risques de dérives. Mais ils sont au cœur de toutes les stratégies permettant de déconfiner sans rechute.
Étonnante Époque a d’ailleurs consacré plusieurs articles aux systèmes de reconnaissance faciale chinois et au sinistre système de crédit social. Yuval Hariri l’auteur de Sapiens appelait à la vigilance au début de la crise dans un article passionnant dans le Financial Times « Si nous n’y prenons pas garde, l’épidémie pourrait marquer un tournant important de l’histoire de la surveillance .[…] parce que l’épidémie pourrait normaliser le déploiement d’outils de surveillance de masse dans des pays qui les rejetaient jusqu’alors », mais aussi «parce qu’une transition spectaculaire est en train de s’opérer vers une surveillance « sous-cutanée ». »
La France est généralement sur ce type de sujet la championne du monde du débat philosophique. On entend déjà les vifs échanges entre les tenants de la défense de la liberté individuelle et ceux de la nécessité économique de tout mettre en oeuvre pour sortir du confinement. Cruel dilemme mais aurons-nous vraiment le choix pour passer du confinement au déconfinement? Le prolongement du confinement aurait de tragiques conséquences économiques mais également sociales.
Le vrai sujet sera sans doute les garde-fous à mettre en place pour éviter les dérives d’un tel système. Mais c’est malheureusement un sujet technique plus ardu et moins propice aux échanges à sensation sur les plateaux télé que la simple confrontation pour ou contre. Aurons-nous le courage de mener en profondeur ce débat démocratique fondamental?
COVID-19 Chroniques du confinement JOUR 28 : l’exécutif met la France en mode projet pour réussir le D-Day du 11 mai (D comme déconfinement)
La date est tombée. Devant 37 millions de Français (record historique), le président Emmanuel Macron a annoncé le déconfinement pour le 11 mai. On sentait ces derniers jours lassitude et défiance s’installer. Donner une perspective de sortie était donc indispensable pour permettre au pays de tenir encore 4 longues semaines.
Pourquoi le 11 mai? Le gouvernement fait le pari d’une décrue forte de la maladie d’ici là. On peut même espérer qu’elle soit plus rapide. Mais ce qui était surtout frappant lundi soir, c’est l’ampleur de la tâche à réaliser « avant de lâcher les fauves ». L’exécutif a donné le coup d’envoi d’un gigantesque projet national qu’il pourrait baptiser « D-Day 11 mai » (D comme déconfinement). L’analogie avec le 6 juin 1944 me semble pertinente; une énorme logistique à mettre en oeuvre pour ne pas se rater à une date précise, le jour J avec beaucoup de vies en jeu.
Regardons ce projet « D-Day 11 mai » sous le prisme des méthodes de gestion de projet. Les indicateurs « KPI » du projet sont assez clairs : indicateurs sanitaires de non redémarrage de l’épidémie, indicateurs économiques sur la reprise de l’activité. L’exécutif y ajoutera peut-être sa courbe de popularité. Les rôles sont bien distribués. Au niveau du comité de pilotage et de la « war room », Emmanuel Macron est le sponsor du projet, Edouard Philippe est le chef de projet. Les groupes de travail sont pilotés par les ministres : Jean-Michel Blanquer en charge du pilier école, Olivier Véran du pilier santé…
Question méthode, on ignore si nos gouvernantS ont été formés aux subtilités de la méthode scrum agile avec ses sprints successifs ou s’ils privilégieront de manière plus classique les chemins critiques avec leurs diagrammes de Pert ou de Gantt. Choisiront-ils comme logiciel le classique Microsoft Project ou le plus en vogue Trello. Souhaitons-nous en tout cas beaucoup de succès pour ce projet vital.
Chroniques du confinement JOUR 29 : l’Allemagne nous montre la voie du déconfinement
Après l’Autriche, l’Allemagne décide d’alléger ses mesures de confinement. Dès lundi 20, le petits commerces pourront réouvrir. Les enfants allemands retrouveront le chemin de l’école le 3 mai. Le port du masque sera fortement recommandé dans les transports en commun et dans les magasins. L’Allemagne nous précède donc de quelques semaines, elle nous ouvre le chemin.
Sa gestion de la crise depuis le début peut nous inspirer. Nos voisins s’en sortent mieux que nous avec nettement moins de victimes notamment grâce à une politique massive de tests (200.000 test quotidiens réalisés vs. 20.000 en France) et une capacité de cinq fois plus de lits de soins intensifs.
Alors je regarde la conférence de presse donnée par Angela Merkel pour annoncer ces mesures. Le contraste avec les interventions d’Emmanuel Macron est saisissant. Au discours solennel et grandiloquent, elle préfère l’échange à bâtons rompus avec les journalistes. Elle joue jusqu’à l’excès son personnage maternel alternant de longues réponses calmes et sérieuses et des sourires apaisants. Elle donne les grandes lignes et renvoie systématiquement pour les modalités pratiques vers les gouvernements des Länder : agilité de la décentralisation.
Je repense alors au couple franco-allemand porté par les pères de l’Europe. Nous sommes décidément si différents et si complémentaires. Face à l’épidémie, le modèle coréen a certes montré son efficacité mais on voit bien que les différences culturelles rendent sa transposition difficile. Au moment où l’obsession de l’après s’étale à longueur d’article, je formule le vœu qu’il s’écrive dans la coopération franco-allemande.
A SUIVRE POUR LES CHRONIQUES DE LA SEMAINE 6 : les prémices du déconfinement
Laisser confinés en ville pendant l’été les plus fragiles, c’est les exposer aux dégâts d’une nouvelle canicule.