Auxerre dernière étape des vacances, un petit Bourges. Déjeuner dans un restaurant aux bords de l’Yonne. Auxerre, terre de football et du mythique Guy Roux. Derrière nous, déjeunent un très jeune joueur de foot noir de l’AJA et son agent maghrébin. Avec indiscrétion, je tends l’oreille et surprends les bribes de la conversation.
L’agent a la gouaille et parle beaucoup. Le jeune joueur, timide, semble peu à l’aise. L’agent va donc passer tout le début du repas à le mettre en confiance. Il lui parle de son talent, de sa maturité, de son ambition pour lui. Puis vient la phase séduction. Tous les vieux trucs y passent. Je veux être présent à tes côtés, pas comme certains agents qui ne sont là qu’au moment des transferts. Je ne veux pas être présent non plus, à toi de me dire.
On commence ensuite à parler gros sous. L’agent sort une énorme ficelle. De toute façon, je ne te coûte rien. Les 10% de ton salaire, c’est le Club qui me les paie directement. Le joueur est rassuré. Il dit à l’agent : « donc ça veut dire que ça n’enlève rien à mon salaire. » L’agent confirme. Tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil.
Mais les choses se corsent. Le joueur lui dit qu’il voudrait jouer à l’étranger. Visiblement, ça ne rentre pas dans les plans de l’agent. Face à cette menace, il faut le grand jeu : « Avec ton style de jeu unique, tu n’es pas fait pour les clubs étrangers. Il n’y a pour toi que 2 clubs possibles : Lyon et Monaco. Après tu pourras aller à Barcelone ». L’autre acquiesce. Ouf, le danger semble écarté.
L’agent finit sur des conseils paternels. Tu dois travailler dur pour continuer à progresser. Il faut que tes datas physiques s’améliorent. Et puis tu dois commencer à prendre la parole dans le vestiaire. Tu verras, ça viendra naturellement. Donne toi à fond sur le terrain, et l’année prochaine tu seras un titulaire indiscutable à Lyon. Mirage ou réalité, je suivrai la destinée de ce joueur.
Je vois soudain le fantôme de Guy Roux rôder. Il avait aussi l’ambition de faire de ses joueurs des adultes. Je pense que cette conversation l’aurait mis en colère, et qu’il aurait sans doute dégagé l’agent comme les marchands du temple. Ah du temps de Guy Roux…
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